Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/44

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mon outil, au nom de Dieu ! suppliait Vassiliev d’une voix grêle et fêlée.

— Reste donc tranquille, diable ! puisque tu es bien ici. Il boit depuis avant-hier ; ce matin, nous l’avons ramassé dans la rue dès l’aube et nous avons dit à Matvéï Ilitch qu’il était tombé malade, qu’il avait des coliques !

Ce fut une explosion de rires.

— Mais où est mon outil ?

— Mais chez Zouï, voyons ! Un homme saoul, Monsieur, c’est tout vous dire.

— Hé ! hé ! hé ! Ah ! canaille, c’est ainsi que tu travailles en ville ? tu veux engager ton dernier outil ! fit le gros homme, secoué d’un rire satisfait et tout à fait de bonne humeur, maintenant. Si vous saviez l’habile menuisier qu’il est ! On n’en trouverait pas un pareil à Moscou. Seulement, voilà les tours qu’il joue ! — continua-t-il en s’adressant à moi. — Laisse-le sortir, Arkhip, il a peut-être besoin de quelque chose.

On obéit au gros monsieur. Le clou fut enlevé qui condamnait la portière de la voiture où était enfermé Vassiliev, lequel apparut tout souillé de boue et les vêtements déchirés. Il cligna des yeux et, chancelant, il éternua, puis, se faisant de sa main un abat-jour, il jeta un regard circulaire.