Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/61

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— C’est bien ça ! s’écria M. Bakhtchéiev ouvrant les écluses à son indignation. Avant même que vous eussiez ouvert la bouche, je l’avais déjà deviné. Je ne m’y trompe pas. Je flaire un philosophe à trois verstes de distance ! Allez donc l’embrasser, votre Foma Fomitch ! Il en fait un homme exceptionnel ! Pouah ! Que le monde périsse ! je vous croyais un homme de bon sens et vous… Avance ! cria-t-il au cocher déjà monté sur le siège de la voiture réparée. — Filons !

J’eus toutes les peines du monde à le calmer. Il finit tout de même par se radoucir un peu, mais il m’en voulait toujours. Il était monté dans sa voiture avec l’aide de Grigori et d’Arkhip, celui qui avait si sentencieusement chapitré Vassiliev.

— Permettez-moi de vous demander si vous ne viendrez plus chez mon oncle ? m’informai-je en m’approchant.

— Chez votre oncle ? Crachez à la figure de celui qui l’a dit. Vous vous figurez donc que je suis un homme ferme, que je saurais tenir rigueur ? Je suis une chiffe en fait d’homme et c’est mon malheur ! Il ne se passera pas une semaine que j’y serai déjà retourné. Et pour quoi faire ? Je ne saurais le dire, mais j’y retournerai et je m’empoignerai encore avec ce Foma ! C’est mon malheur, petit père.