Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/66

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Et, en un clin d’œil, j’eus oublié toutes ces flatteuses hypothèses sur le compte de Foma Fomitch qui m’avaient valu l’algarade de M. Bakhtchéiev.

— Ce ne peut être un imbécile, puisqu’il commande à nos maîtres.

— Hum ! tu as peut-être raison, Gavrilo, marmottai-je, arrêté par cet argument. Conduis-moi donc vers mon oncle.

— Mon cher, c’est que je ne tiens pas à me faire voir. Je commence à craindre jusqu’au maître lui-même. C’est ici que je ronge mon chagrin et, quand je le vois venir, je vais me cacher derrière ces massifs.

— Mais de quoi as-tu peur ?

— Tantôt, je ne savais pas ma leçon et Foma Fomitch voulut me faire mettre à genoux. Je n’ai pas obéi ! Je suis trop vieux pour servir d’amusette. Monsieur s’est fâché de ma désobéissance. « C’est pour ton bien, me disait-il, il veut t’instruire et te faire acquérir une prononciation parfaite. » Alors, je reste ici pour bien apprendre mon vocabulaire, car Foma Fomitch va me faire passer un examen ce soir.

Il y avait là quelque chose de louche. Cette histoire de français devait cacher un mystère que le vieillard ne pouvait m’expliquer.