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Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/97

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manière définitive. Je ne comprenais pas pourquoi elle m’appelait voltigeur. Pérépélitzina lui murmura quelques mots à l’oreille, mais la vieille dame agita méchamment la main. Je restai coi, interrogeant mon oncle du regard. Tous les assistants se regardèrent, et Obnoskine laissa même voir ses dents, ce qui me fut très désagréable.

— Elle radote parfois, me chuchota mon oncle, tout décontenancé lui-même. Mais ce n’est rien ; c’est par bonté de cœur. Estime surtout le cœur !

— Oui, le cœur ! le cœur ! cria subitement la voix de Tatiana Ivanovna qui ne me quittait pas des yeux et ne tenait pas en place. Le mot « cœur » était sans doute parvenu jusqu’à elle. Mais elle ne finit pas sa phrase quoiqu’elle parût vouloir dire quelque chose. Soit honte, soit pour tout autre motif, elle se tut, rougit formidablement, se pencha vers l’institutrice, lui dit tout bas quelques mots et soudain, se couvrant la bouche d’un mouchoir, elle se rejeta sur le dossier de sa chaise et se mit à rire comme dans une crise d’hystérie.

Je regardais la compagnie avec ahurissement, mais, à mon grand étonnement, personne ne bougea et il sembla qu’il ne se fût rien passé. J’étais édifié sur le compte de Tatiana Ivanovna. On me