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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/192

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la criminalité suit une progression en quelque sorte parallèle.

— Mais de quoi vous inquiétez-vous ? observa brusquement Raskolnikoff. Tout cela, c’est la mise en pratique de votre théorie.

— Comment, de ma théorie ?

— La conclusion logique du principe que vous posiez tout à l’heure, c’est qu’on peut égorger les gens…

— Allons donc ! se récria Loujine.

— Non, ce n’est pas cela, remarqua Zosimoff.

Raskolnikoff était pâle et respirait avec effort ; un frisson agitait sa lèvre supérieure.

— En tout, il y a une mesure, poursuivit d’un ton hautain Pierre Pétrovitch : l’idée économique n’est pas encore, que je sache, une provocation à l’assassinat, et de ce qu’on pose en principe…

— Est-il vrai, interrompit soudain Raskolnikoff d’une voix tremblante de colère, est-il vrai que vous ayez dit à votre future femme… à l’heure même où elle venait d’agréer votre demande, que ce qui vous plaisait le plus en elle… c’était sa pauvreté… parce qu’il est préférable d’épouser une femme pauvre, pour la dominer ensuite et lui reprocher les bienfaits dont on l’a comblée ?…

— Monsieur ! s’écria Loujine, bégayant de fureur, — monsieur… dénaturer ainsi ma pensée ! Pardonnez-moi ; mais je dois vous déclarer que les bruits arrivés jusqu’à vous ou, pour mieux dire, portés à votre connaissance, n’ont pas l’ombre de fondement, et je… soupçonne qui… en un mot… cette flèche… en un mot, votre maman… Déjà elle m’avait paru, nonobstant toutes ses excellentes qualités, avoir l’esprit légèrement exalté et romanesque ; cependant, j’étais à mille lieues de supposer qu’elle pût se méprendre à ce point sur le sens de mes paroles et les citer en les altérant de la sorte… Et enfin… enfin…