Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/194

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— Mais, est-ce qu’on peut l’abandonner dans cet état ?

— Allons-nous-en ! répéta avec insistance le docteur, et il sortit.

Razoumikhine réfléchit un instant, puis se décida à le suivre.

— Notre résistance à ses désirs ne pourrait que lui nuire, dit Zosimoff déjà sur l’escalier. Il ne faut pas l’irriter.

— Qu’est-ce qu’il a ?

— Une secousse qui l’arracherait à ses préoccupations lui ferait le plus grand bien. Il a quelque souci, quelque idée fixe qui l’obsède… C’est ce qui m’inquiète beaucoup.

— Ce monsieur Pierre Pétrovitch est peut-être pour quelque chose là dedans. D’après la conversation qu’ils viennent d’avoir ensemble, il paraît que ce personnage va épouser la sœur de Rodia, et que notre ami a reçu une lettre à ce sujet très-peu de temps avant sa maladie.

— Oui, c’est le diable qui a amené ce monsieur dont la visite a peut-être gâté toute l’affaire. Mais as-tu remarqué qu’un seul sujet de conversation fait sortir le malade de son apathie et de son mutisme ? Dès qu’on parle de ce meurtre, cela le surexcite…

— Oui, oui, je m’en suis bien aperçu, répondit Razoumikhine ; il devient alors attentif, inquiet. C’est que, le jour même où sa maladie a commencé, on lui a fait peur au bureau de police, il a eu un évanouissement.

— Tu me raconteras cela plus en détail ce soir, et, à mon tour, je te dirai quelque chose. Il m’intéresse, beaucoup même ! Dans une demi-heure je reviendrai m’informer de son état… Du reste, l’inflammation n’est pas à craindre…

— Merci à toi ! Maintenant, je vais passer un moment chez Pachenka, et je le ferai surveiller par Nastasia… Raskolnikoff, laissé seul, regardait la servante avec impatience et ennui ; mais elle hésitait encore à s’en aller.

— Boiras-tu ton thé maintenant ? demanda-t-elle.