— Allons, si c’est une bêtise, tant mieux ! Mais, moi-même, je craignais… murmura Zosimoff en se levant. Il faut que je vous quitte ; je tâcherai de repasser dans la journée…
Il salua et sortit.
— Quel brave homme ! observa Pulchérie Alexandrovna.
— Oui, c’est un brave homme, un homme de mérite, instruit, intelligent… dit Raskolnikoff, qui prononça ces mots avec une animation inaccoutumée, — je ne me rappelle plus où je l’ai rencontré avant ma maladie… Je crois bien l’avoir rencontré quelque part… Voici encore un excellent homme ! ajouta-t-il en montrant d’un signe de tête Razoumikhine ; mais où vas-tu donc ?
Razoumikhine venait, en effet, de se lever.
— Il faut que je m’en aille aussi… j’ai affaire…, dit-il.
— Tu n’as rien à faire du tout, reste ! C’est parce que Zosimoff est parti que tu veux nous quitter à ton tour. Ne t’en va pas… Mais quelle heure est-il ? Il est midi ? Quelle jolie montre tu as, Dounia ! Pourquoi donc vous taisez-vous encore ? Il n’y a que moi qui parle !…
— C’est un cadeau de Marfa Pétrovna, répondit Dounia.
— Et elle a coûté très-cher, ajouta Pulchérie Alexandrovna.
— Je croyais que cela venait de Loujine.
— Non, il n’a encore rien donné à Dounetchka.
— A-a-ah ! vous rappelez-vous, maman, que j’ai été amoureux et que j’ai voulu me marier ? fit-il brusquement en regardant sa mère frappée de la tournure imprévue qu’il venait de donner à la conversation et du ton dont il parlait.
— Ah ! oui, mon ami ! répondit Pulchérie Alexandrovna en échangeant un regard avec Dounetchka et Razoumikhine.
— Hum ! oui ! mais que vous dirai-je ? je ne me souviens plus guère de cela. C’était une jeune fille maladive, toute souffreteuse, continua-t-il d’un air rêveur en tenant les yeux