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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/303

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comme un fou ? Eh bien, mais ils ont peut-être raison, répondit Raskolnikoff avec un sourire forcé.

Ils se turent. Razoumikhine était aux anges, et Raskolnikoff le remarquait avec colère. Ce que son ami venait de lui dire au sujet du juge d’instruction ne laissait pas non plus de l’inquiéter.

— Dans cette maison grise, dit Razoumikhine.

« L’essentiel est de savoir, pensa, Raskolnikoff, si Porphyre est instruit de ma visite d’hier au logement de cette sorcière et de la question que j’ai faite à propos du sang. Il faut que je sois tout d’abord fixé là-dessus ; il faut que dès le premier moment, dès mon entrée dans la chambre, je lise cela sur son visage ; autrement… dussé-je me perdre, j’en aurai le cœur net. »

— Sais-tu une chose ? dit-il brusquement en s’adressant à Razoumikhine avec un sourire finaud : — il me semble, mon ami, que tu es depuis ce matin dans une agitation extraordinaire. Est-ce vrai ?

— Comment ? Pas du tout ! répondit Razoumikhine vexé.

— Je ne me trompe pas, mon ami. Tantôt, tu étais assis sur le bord de ta chaise, ce qui ne t’arrive jamais, et l’on aurait dit que tu avais des crampes. Tu sursautais à chaque instant. Ton humeur variait sans cesse ; tu te mettais en colère pour devenir, un moment après, tout miel et tout sucre. Tu rougissais même ; c’est surtout quand on t’a invité à dîner que tu es devenu rouge.

— Mais non, c’est absurde, pourquoi dis-tu cela ?

— Vraiment, tu as des timidités d’écolier ! Diable, voilà qu’il rougit encore !

— Tu es insupportable.

— Mais pourquoi cette confusion, Roméo ? Laisse faire, aujourd’hui, je raconterai cela quelque part, ha, ha, ha ! je vais bien amuser maman… et une autre personne encore…

— Écoute un peu, écoute, écoute, c’est sérieux ; vois-tu,