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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/333

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sombre Raskolnikoff qui marchait à grands pas dans la direction de son péréoulok. Enfin, après avoir grincé des dents, serré ses poings et s’être promis de pressurer Porphyre comme un citron aujourd’hui même, il monta chez les dames pour rassurer Pulchérie Alexandrovna déjà inquiète de cette longue absence.

Quand Raskolnikoff arriva devant sa maison, ses tempes étaient humides de sueur et il respirait péniblement. Il monta l’escalier quatre à quatre, entra dans sa chambre qui était restée ouverte, et immédiatement s’y enferma au crochet. Ensuite, éperdu de frayeur, il courut à sa cachette, fourra sa main sous la tapisserie et explora le trou en tous sens. N’y trouvant rien, après avoir tâté dans tous les coins et recoins, il se releva et poussa un soupir de soulagement. Tantôt, au moment où il approchait de la maison Bakaléieff, l’idée lui était venue tout à coup qu’un des objets volés avait pu se glisser dans une fente du mur : si un jour on allait retrouver là une chaîne de montre, un bouton de manchette, ou même un des papiers qui enveloppaient les bijoux et qui portaient des annotations écrites de la main de la vieille, quelle terrible pièce de conviction ce serait contre lui !

Il restait comme plongé dans une vague rêverie, et un sourire étrange, presque hébété, errait sur ses lèvres. À la fin, il prit sa casquette et sortit sans bruit de la chambre. Ses idées s’embrouillaient. Pensif, il descendit l’escalier et arriva sous la porte cochère.

— Tenez, le voilà ! cria une voix forte.

Le jeune homme leva la tête.

Le dvornik, debout sur le seuil de sa loge, montrait Raskolnikoff à un homme de petite taille et de tournure bourgeoise. Cet individu portait une sorte de khalat et un gilet ; de loin, on l’eût pris pour une paysanne. Sa tête, coiffée d’une casquette graisseuse, s’inclinait sur sa poitrine, et il paraissait tout voûté. À en juger par son visage ridé et