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Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 1.djvu/44

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vingt roubles de pension annuelle ? Les quinze roubles que je t’ai fait parvenir, il y a quatre mois, je les avais empruntés, comme tu le sais toi-même, à un marchand de notre ville, Afanase Ivanovitch Vakhrouchine. C’est un brave homme, et il était l’ami de ton père. Mais lui ayant donné procuration pour toucher ma pension à ma place, je ne pouvais rien t’envoyer avant qu’il fût remboursé, et il vient seulement de l’être.

« À présent, grâce à Dieu, je crois être en mesure de t’expédier encore de l’argent. Du reste, je m’empresse de te dire que nous avons lieu maintenant de nous louer de la fortune. D’abord, une chose dont tu ne te doutes probablement pas, cher Rodia, c’est que ta sœur habite avec moi depuis six semaines déjà, et qu’elle ne me quittera plus. Dieu soit loué ! ses tourments ont pris fin ; mais procédons par ordre, car je veux que tu saches comment tout s’est passé et ce que nous t’avions dissimulé jusqu’ici.

« Il y a deux mois, tu m’écrivais que tu avais entendu parler de la triste situation faite à Dounia dans la famille Svidrigaïloff, et tu me demandais des éclaircissements à ce sujet. Que pouvais-je te répondre alors ? Si je t’avais mis au courant des faits, tu aurais tout quitté pour venir nous retrouver, lors même qu’il t’eût fallu faire la route à pied ; car, avec le caractère et les sentiments que je te connais, tu n’aurais pas laissé insulter ta sœur. Moi-même j’étais au désespoir, mais qu’y avait-il à faire ? Moi non plus, je ne connaissais pas alors toute la vérité. Le pire était que Dounetchka, entrée l’année dernière comme institutrice dans cette maison, avait reçu d’avance cent roubles qu’elle devait rembourser à l’aide d’une retenue mensuelle sur ses honoraires : force lui était donc de rester en place jusqu’à l’extinction de sa dette.

« Cette somme (aujourd’hui, je puis tout t’expliquer, très-cher Rodia), elle se l’était fait avancer surtout pour t’envoyer