en pitié le sort de la jeune fille qu’il avait compromise, il mit sous les yeux de Marfa Pétrovna les preuves les plus convaincantes de l’innocence de Dounia.
« Justement, il avait conservé une lettre que, dès avant la scène du jardin, elle s’était vue forcée de lui écrire pour décliner une demande de rendez-vous. Dans cette lettre précisément, elle lui reprochait l’indignité de sa conduite à l’égard de sa femme, lui rappelait ses devoirs de père et d’époux ; enfin, lui représentait ce qu’il y avait de vil à persécuter une jeune fille malheureuse et sans défense.
« Dès lors, il ne resta plus à Marfa Pétrovna aucun doute sur l’innocence de Dounetchka. Le lendemain, qui était un dimanche, elle se rendit chez nous, et, après nous avoir tout raconté, elle se jeta dans les bras de Dounia, à qui elle demanda pardon en pleurant. Puis elle alla dans toutes les maisons de la ville, et partout rendit le plus éclatant hommage à l’honnêteté de Dounetchka, ainsi qu’à la noblesse de ses sentiments et de sa conduite. Non contente de cela, elle montrait à tout le monde et lisait à haute voix la lettre autographe de Dounia à M. Svidrigaïloff ; elle en fit même tirer plusieurs copies (ce que, pour mon compte, je trouve excessif). Du moins, elle a pleinement réhabilité Dounetchka ; par contre, son mari sort de cette aventure couvert d’un déshonneur ineffaçable ; je ne puis même m’empêcher de plaindre ce pauvre fou si sévèrement puni.
« Dounia a aussitôt reçu des offres de leçons dans différentes maisons ; mais elle les a refusées. Tout le monde, en général, s’est mis soudain à lui témoigner une considération particulière, et le retour de l’estime publique a été la principale cause de l’événement inattendu qui, je puis le dire, va changer notre destinée.
« Apprends, cher Rodia, qu’un parti s’est présenté pour ta sœur, et qu’elle a donné déjà son consentement, ce dont j’ai hâte de t’informer. Tu nous pardonneras, à Dounia et à moi,