Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/114

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Sonia se leva brusquement :

— Permettez-moi de vous demander si vous ne lui avez pas dit qu’elle pourrait recevoir une pension. C’est qu’hier, elle m’a dit que vous vous étiez chargé de la lui faire obtenir. Est-ce vrai ?

— Pas du tout, et même, en un sens, c’est absurde. Je me suis borné à lui faire entendre que, comme veuve d’un fonctionnaire mort au service, elle pourrait obtenir un secours temporaire, si, toutefois, elle avait des protections. Mais il paraît que, loin d’avoir servi assez longtemps pour s’être créé des droits à une retraite, votre feu père n’était même plus au service quand il est mort. En un mot, on peut toujours espérer, mais l’espoir est très-peu fondé, car, dans l’espèce, il n’existe pas de droit à un secours, au contraire… Ah ! elle rêvait déjà d’une pension, hé ! hé ! hé ! c’est une dame qui ne doute de rien !

— Oui, elle rêvait d’une pension… Elle est crédule et bonne, sa bonté lui fait tout croire, et… et… son esprit est… Oui… excusez-la, dit Sonia, qui se leva de nouveau pour partir.

— Permettez, vous n’avez pas encore tout entendu.

— Je n’ai pas encore tout entendu, balbutia la jeune fille.

— Eh bien, asseyez-vous donc.

Sonia, toute confuse, se rassit pour la troisième fois.

— La voyant dans une telle situation avec des enfants en bas âge, je voudrais, comme je l’ai déjà dit, lui être utile dans la mesure de mes moyens, comprenez-moi bien, dans la mesure de mes moyens, rien de plus. On pourrait, par exemple, organiser à son profit une souscription, une tombola… ou quelque chose d’analogue, comme le font toujours en pareil cas les gens qui désirent venir en aide soit à des proches, soit à des étrangers. C’est une chose possible.

— Oui, c’est bien… Pour cela Dieu vous… bégaya Sonia, les yeux fixés sur Pierre Pétrovitch.

— On le pourrait, mais… nous parlerons de cela plus tard…