Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/122

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« qui montait en graine ». Ces deux personnes ne demeuraient que depuis quinze jours chez madame Lippevechzel ; cependant, elles avaient déjà fait plusieurs fois des observations au sujet du bruit qui se produisait dans la chambre des Marméladoff, surtout lorsque le défunt rentrait ivre au logis. Comme bien on pense, la logeuse s’était empressée de porter ces plaintes à la connaissance de Catherine Ivanovna ; au cours de ses incessants démêlés avec sa locataire, Amalia Ivanovna menaçait de mettre tous les Marméladoff à la porte, « attendu, criait-elle, qu’ils troublaient le repos de personnes distinguées dont ils ne valaient pas les pieds ». Dans la circonstance présente, Catherine Ivanovna avait tenu tout particulièrement à inviter ces deux dames dont « elle ne valait pas les pieds », d’autant plus que, quand elle se rencontrait dans l’escalier avec la femme du monde, celle-ci se détournait d’un air dédaigneux. C’était une façon de montrer à cette pimbêche combien Catherine Ivanovna lui était supérieure par les sentiments, elle qui oubliait les mauvais procédés ; d’un autre côté, la mère et la fille pourraient se convaincre, pendant ce repas, qu’elle n’était pas née pour la condition dans laquelle elle se trouvait. Elle était bien décidée à leur expliquer cela à table, à leur apprendre que son papa avait rempli les fonctions de gouverneur, et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de détourner la tête quand on la rencontrait. Un gros lieutenant-colonel (en réalité, capitaine d’état-major retiré du service) fit aussi faux bond à Catherine Ivanovna. Celui-là, il est vrai, avait une excuse : depuis la veille, la goutte le clouait sur son fauteuil.

En revanche, outre le Polonais, arriva d’abord, vêtu d’un frac graisseux, un clerc de chancellerie, laid, bourgeonné, sentant mauvais et silencieux comme un poisson ; puis un ancien employé des postes, petit vieillard sourd et presque aveugle dont quelqu’un payait le loyer chez Amalia Ivanovna