Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/137

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ainsi que vous me récompensez ! Non, cela n’est pas bien ! Il vous faut une leçon. Réfléchissez, rentrez en vous-même : je vous y engage comme votre meilleur ami, car c’est en ce moment ce que vous pouvez faire de mieux ! Sinon, je serai inflexible ! Eh bien, avouez-vous ?

— Je ne vous ai rien pris, murmura Sonia épouvantée ; — vous m’avez donné dix roubles, les voici, reprenez-les.

La jeune fille sortit son mouchoir de sa poche, défit un nœud qu’elle y avait fait et en retira un billet de dix roubles qu’elle tendit à Loujine.

— Ainsi vous persistez à nier le vol des cent roubles ? fit-il d’un ton de reproche, sans prendre l’assignat.

Sonia promena ses yeux autour d’elle et ne surprit sur tous les visages qu’une expression sévère, irritée ou moqueuse. Elle regarda Raskolnikoff… Debout contre le mur, le jeune homme avait les bras croisés et fixait sur elle des yeux ardents.

— Oh ! Seigneur ! gémit-elle.

— Amalia Ivanovna, il faudra prévenir la police ; en conséquence je vous prierai très-humblement de faire monter le dvornik, dit Loujine d’une voix douce et même caressante.

Gott der barmherzig ! — Je savais bien que c’était une voleuse ! s’écria madame Lippevechzel, en frappant ses mains l’une contre l’autre.

— Vous le saviez ? reprit Pierre Pétrovitch : c’est donc que déjà auparavant certains faits vous avaient autorisée à tirer cette conclusion. Je vous prie, très-honorée Amalia Ivanovna, de vous rappeler les paroles que vous venez de prononcer. Du reste, il y a des témoins.

De tous côtés on causait bruyamment. L’assistance était devenue houleuse.

— Comment ! s’écria Catherine Ivanovna sortant tout à coup de sa stupeur, et, par un mouvement rapide, elle