Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/20

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sociales s’y opposent. C’est absurde. Par exemple, si je venais à mourir et que je laissasse par testament cette somme à votre sœur, est-ce qu’alors encore elle la refuserait ?

— C’est très-possible.

— N’en parlons plus. Quoi qu’il en soit, je vous prie de transmettre ma demande à Avdotia Romanovna.

— Je n’en ferai rien.

— En ce cas, Rodion Romanovitch, il faudra que je tâche de me trouver en tête-à-tête avec elle, ce que je ne pourrai faire sans l’inquiéter.

— Et si je lui communique votre proposition, vous ne chercherez pas à la voir en particulier ?

— Je ne sais vraiment que vous dire. Je désirerais fort me rencontrer une fois avec elle.

— Ne l’espérez pas.

— Tant pis. Du reste, vous ne me connaissez pas. Peut-être que des relations amicales s’établiront entre nous.

— Vous croyez ?

— Pourquoi pas ? fit en souriant Svidrigaïloff, qui se leva et prit son chapeau ; ce n’est pas que je veuille m’imposer à vous, et même, en venant ici, je ne comptais pas trop… ce matin, j’ai été frappé…

— Où m’avez-vous vu, ce matin ? demanda avec inquiétude Raskolnikoff.

— Je vous ai aperçu par hasard… Il me semble toujours que nous sommes deux fruits du même arbre…

— Allons, c’est bien. Permettez-moi de vous demander si vous comptez bientôt vous mettre en route.

— Pour quel voyage ?

— Mais celui dont vous parliez tout à l’heure.

— Je vous ai parlé d’un voyage ? Ah ! oui, en effet… Si vous saviez, pourtant, quelle question vous venez de soulever ! ajouta-t-il avec un rire sec. Peut-être qu’au lieu de faire ce