Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/208

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et voilà que Dieu vous envoie ! Ce que mon cœur a battu quand je vous ai vu paraître ! Voyons, quel besoin aviez-vous de venir alors ? Si vous vous en souvenez, vous êtes entré en riant aux éclats. Votre rire m’a donné grandement à penser ; mais si je n’avais pas eu l’esprit prévenu en ce moment, je n’y aurais pas fait attention. Et M. Razoumikhine, alors, — ah ! la pierre, la pierre, vous vous rappelez, la pierre sous laquelle les objets sont cachés ? Il me semble la voir d’ici, elle est quelque part dans un jardin potager, — c’est bien d’un jardin potager que vous avez parlé à Zamétoff ? Ensuite, lorsque la conversation s’est engagée sur votre article, derrière chacune de vos paroles nous croyions saisir un sous-entendu. Voilà comment, Rodion Romanovitch, ma conviction s’est formée peu à peu. « Sans doute, tout cela peut s’expliquer d’une autre manière, me disais-je cependant, et ce sera même plus naturel, j’en conviens. Mieux vaudrait une petite preuve. » Mais, en apprenant l’histoire du cordon de sonnette, je n’ai plus eu de doute, je croyais tenir la petite preuve si désirée, et je n’ai voulu réfléchir à rien. En ce moment-là, j’aurais volontiers donné mille roubles de ma poche pour vous voir de mes yeux, faisant cent pas côte à côte avec un bourgeois qui vous avait traité d’assassin sans que vous eussiez osé lui répondre !… Certes, il n’y a pas lieu d’attacher grande importance aux faits et gestes d’un malade qui agit sous l’influence d’une sorte de délire. Néanmoins, comment vous étonner après cela, Rodion Romanovitch, de la façon dont j’en ai usé envers vous ? Et pourquoi, juste en ce moment, êtes-vous venu chez moi ? Quelque diable, assurément, vous y a poussé, et, en vérité, si Mikolka ne nous avait séparés… Vous vous rappelez l’arrivée de Mikolka ? Ç’a été comme un coup de foudre ! Mais quel accueil lui ai-je fait ? Je n’ai pas ajouté la moindre foi à ses dires, vous l’avez vu ! Après votre départ, j’ai continué à l’interroger, il m’a répondu sur