Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/230

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leur flamme l’inquiéta et finit par lui devenir odieuse. Sans entrer dans les détails, il me suffira de vous dire qu’une rupture eut lieu entre nous. À la suite de cela, je fis de nouvelles sottises. Je me répandis en grossiers sarcasmes à l’adresse des convertisseuses. Paracha rentra en scène et fut suivie de beaucoup d’autres ; en un mot, je commençai à mener une existence absurde. Oh ! si vous aviez vu alors, Rodion Romanovitch, les yeux de votre sœur, vous sauriez quels éclairs ils peuvent parfois lancer ! Je vous assure que ses regards me poursuivaient jusque dans mon sommeil ; j’en étais venu à ne plus pouvoir supporter le froufrou de sa robe. Je croyais vraiment que j’allais avoir une attaque d’épilepsie. Jamais je n’aurais supposé que l’affolement put s’emparer de moi à un tel point. Il fallait de toute nécessité que je me réconciliasse avec Avdotia Romanovna, et la réconciliation était impossible ! Imaginez-vous ce que j’ai fait alors ! À quel degré de stupidité la rage peut-elle conduire un homme ! N’entreprenez jamais rien dans cet état, Rodion Romanovitch. Songeant qu’Avdotia Romanovna était au fond une pauvresse (oh ! pardon ! je ne voulais pas dire cela… mais le mot n’y fait rien), qu’enfin elle vivait de son travail, qu’elle avait à sa charge sa mère et vous (ah ! diable ! vous froncez encore le sourcil…), je me décidai à lui offrir toute ma fortune (je pouvais alors réaliser trente mille roubles) et à lui proposer de s’enfuir avec moi à Pétersbourg. Une fois là, bien entendu, je lui aurais juré un amour éternel, etc., etc. Le croirez-vous ? j’étais tellement toqué d’elle à cette époque, que si elle m’avait dit : « Assassine ou empoisonne Marfa Pétrovna et épouse-moi », je l’aurais fait immédiatement ! Mais tout cela a fini par la catastrophe que vous connaissez, et vous pouvez juger combien j’ai été irrité en apprenant que ma femme avait négocié un mariage entre Avdotia Romanovna et ce misérable chicaneau de Loujine, car, à tout prendre, autant eût valu pour votre sœur