Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/241

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geât à autre chose qu’à la blessure de son amour-propre.

— Quoique je sache que vous êtes un homme… sans honneur, je ne vous crains pas du tout. Conduisez-moi, dit-elle d’un ton calme que démentait, il est vrai, l’extrême pâleur de son visage. Svidrigaïloff s’arrêta devant le logement de Sonia.

— Permettez-moi de m’assurer si elle est chez elle. Non, elle n’y est pas. Cela tombe mal ! Mais je sais qu’elle reviendra peut-être d’ici à très-peu de temps. Elle n’a pu s’absenter que pour aller voir une dame au sujet des orphelins à qui elle s’intéresse. Je me suis aussi occupé de cette affaire. Si Sophie Séménovna n’est pas rentrée dans dix minutes et que vous teniez absolument à lui parler, je l’enverrai chez vous aujourd’hui même. Voici mon appartement ; il se compose de ces deux pièces. Derrière cette porte habite ma propriétaire, madame Resslich. Maintenant, regardez par ici, je vais vous montrer mes principaux documents : de ma chambre à coucher la porte que voici conduit à un appartement de deux pièces, lequel est entièrement vide. Voyez… il faut que vous preniez une connaissance exacte des lieux…

Svidrigaïloff occupait deux chambres garnies assez grandes. Dounetchka regardait autour d’elle avec défiance ; mais elle ne découvrit rien de suspect ni dans l’ameublement, ni dans la disposition du local. Cependant elle aurait pu remarquer, par exemple, que Svidrigaïloff logeait entre deux appartements en quelque sorte inhabités. Pour arriver chez lui, il fallait traverser deux pièces à peu près vides, qui faisaient partie du logement de sa propriétaire. Ouvrant la porte qui, de sa chambre à coucher, donnait accès à l’appartement non loué, il montra aussi ce dernier à Dounetchka. La jeune fille s’arrêta sur le seuil, ne comprenant pas pourquoi on l’invitait à regarder ; mais l’explication fut bientôt donnée par Svidrigaïloff :

— Voyez cette grande chambre, la seconde. Remarquez