Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/246

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ce qu’il y a à faire. C’est pour traiter cette question en tête-à-tête que je vous ai invitée à venir chez moi. Mais asseyez-vous donc !

— Comment parviendrez-vous à le sauver ? Est-ce que c’est possible ?

Dounia s’assit. Svidrigaïloff prit place à côté d’elle.

— Tout cela dépend de vous, de vous seule, commença-t-il d’un ton bas. Ses yeux étincelaient, et son agitation était telle qu’il pouvait à peine parler.

Dounia, effrayée, se recula à quelque distance de lui.

— Vous… un seul mot de vous, et il est sauvé ! continua-t-il, tremblant de tout son corps. Je… je le sauverai. J’ai de l’argent et des amis. Je le ferai partir immédiatement pour l’étranger, je lui procurerai un passe-port. J’en prendrai deux : un pour lui et un pour moi. J’ai des amis sur le dévouement et l’intelligence desquels je puis compter… Voulez-vous ? Je prendrai aussi un passe-port pour vous… pour votre mère… Que vous importe Razoumikhine ? mon amour vaut bien le sien… Je vous aime infiniment. Laissez-moi baiser le bas de votre robe ! Je vous en prie ! Le bruit que fait votre vêtement me met hors de moi ! Ordonnez : j’exécuterai tous vos ordres, quels qu’ils soient. Je ferai l’impossible. Toutes vos croyances seront les miennes. Ne me regardez pas ainsi ! Savez-vous que vous me tuez ?…

Il commençait à délirer. On eût dit qu’il venait d’être atteint d’aliénation mentale. Dounia ne fit qu’un saut jusqu’à la porte, qu’elle se mit à secouer de toutes ses forces.

— Ouvrez ! ouvrez ! cria-t-elle, espérant qu’on l’entendrait du dehors. Ouvrez donc ! Est-ce qu’il n’y a personne dans la maison ?

Svidrigaïloff se leva. Il avait recouvré en partie son sang-froid. Un sourire amèrement moqueur errait sur ses lèvres encore tremblantes.

— Il n’y a personne ici, dit-il lentement ; ma logeuse est