Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— On ne peut pas faire cela ici, ce n’est pas le lieu ! reprit le soldat en ouvrant des yeux de plus en plus grands.

Svidrigaïloff pressa la détente…

VI

Ce même jour, entre six et sept heures du soir, Raskolnikoff se rendit chez sa mère et sa sœur. Les deux femmes habitaient maintenant dans la maison Bakaléieff l’appartement dont Razoumikhine leur avait parlé. En montant l’escalier, Raskolnikoff semblait encore hésiter. Toutefois pour rien au monde il n’aurait rebroussé chemin ; il était décidé à faire cette visite. « D’ailleurs, elles ne savent encore rien », pensait-il, « et elles sont déjà habituées à voir en moi un original. » Ses vêtements étaient souillés de boue et déchirés ; d’autre part, la fatigue physique, jointe à la lutte qui se livrait en lui depuis près de vingt-quatre heures, avait rendu son visage presque méconnaissable. Le jeune homme avait passé la nuit entière Dieu sait où. Mais, du moins, son parti était pris.

Il frappa à la porte, sa mère lui ouvrit. Dounetchka était sortie, et la servante n’était pas non plus à la maison en ce moment. Pulchérie Alexandrovna resta d’abord muette de surprise et de joie ; puis elle prit son fils par la main et l’entraîna dans la chambre.

— Ah ! te voilà ! dit-elle d’une voix que l’émotion faisait trembler. — Ne te fâche pas, Rodia, si j’ai la sottise de t’accueillir avec des larmes, c’est le bonheur qui les fait couler. Tu crois que je suis triste ? Non, je suis gaie, je ris, seulement j’ai cette sotte habitude de verser des larmes. Depuis la mort de ton père, je pleure comme cela à propos