Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/292

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meurtre d’Élisabeth resté jusqu’alors une énigme ; il raconta comme quoi Koch était venu et avait frappé à la porte, comme quoi après lui était arrivé un étudiant ; il rapporta de point en point la conversation qui avait eu lieu entre ces deux hommes : ensuite lui, l’assassin, s’était élancé dans l’escalier, il avait entendu les cris de Mikolka et de Mitka, s’était caché dans le logement vide, puis avait regagné sa demeure. Enfin, quant aux objets volés, il fit connaître qu’il les avait enfouis sous une pierre dans une cour donnant sur la perspective de l’Ascension : on les y retrouva en effet. Bref, la lumière fut faite sur tous les points. Ce qui, entre autres choses, étonnait beaucoup les enquêteurs et les juges, c’était qu’au lieu de profiter des dépouilles de sa victime, l’assassin fut allé les cacher sous une pierre ; ils comprenaient moins encore que non-seulement il ne se souvînt pas exactement de tous les objets volés par lui, mais que même il se trompât sur leur nombre. On trouvait surtout invraisemblable qu’il n’eût pas ouvert une seule fois la bourse et qu’il en ignorât le contenu. (Elle renfermait trois cent dix-sept roubles et trois pièces de vingt kopecks ; par suite du long séjour sous la pierre, les plus gros assignats qui étaient placés au-dessus des autres avaient été considérablement détériorés.) Pendant longtemps on s’ingénia à deviner pourquoi sur ce seul point l’accusé mentait, alors que sur tout le reste il avait dit spontanément la vérité. À la fin quelques-uns (surtout parmi les psychologues) admirent comme possible qu’en effet il n’eût pas visité la bourse, et que dès lors il s’en fût débarrassé sans savoir ce qu’elle contenait ; mais ils en tirèrent aussitôt la conclusion que le crime même avait été nécessairement commis sous l’influence d’une folie momentanée : le coupable, dirent-ils, a cédé à la monomanie maladive de l’assassinat et du vol, sans but ultérieur, sans calcul intéressé. C’était l’occasion ou jamais de mettre en avant la théorie moderne de l’aliénation tempo-