— Il tient absolument à te faire cadeau de dix mille roubles, et il désire te voir une fois en ma présence.
— La voir ! jamais de la vie ! s’écria Pulchérie Alexandrovna. Et comment ose-t-il lui offrir de l’argent ?
Ensuite Raskolnikoff rapporta (assez sèchement) son entretien avec Svidrigaïloff.
Dounia fut extrêmement saisie quand elle sut en quoi consistaient les propositions de Svidrigaïloff. Elle resta longtemps pensive.
— Il a conçu quelque affreux dessein ! murmura-t-elle à part soi, presque frissonnante.
Raskolnikoff remarqua cette excessive frayeur.
— Je crois que j’aurai encore plus d’une fois l’occasion de le voir, dit-il à sa sœur.
— Nous retrouverons ses traces ! Je le découvrirai ! cria énergiquement Razoumikhine. — Je ne le perdrai pas de vue ! Rodia me l’a permis. Lui-même m’a dit tantôt « Veille sur ma sœur. » Vous y consentez, Avdotia Romanovna ?
Dounia sourit et tendit la main au jeune homme, mais son visage était toujours soucieux. Pulchérie Alexandrovna jeta sur elle un regard timide ; du reste, les trois mille roubles l’avaient notablement tranquillisée.
Un quart d’heure après, on causait avec animation. Raskolnikoff lui-même, quoique silencieux, prêta pendant quelque temps une oreille attentive à ce qui se disait. Le dé de la conversation était tenu par Razoumikhine.
— Et pourquoi, je vous le demande, pourquoi vous en aller ? s’écriait-il avec conviction. Que ferez-vous dans votre méchante petite ville ? Mais le principal point à considérer, c’est qu’ici vous êtes tous ensemble ; or vous êtes tous nécessaires les uns aux autres. Comprenez-le, vous ne pouvez vous séparer. Allons, restez au moins un certain temps… Acceptez-moi comme ami, comme associé, et je vous assure que nous monterons une excellente affaire. Écoutez,