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près de la table. En un clin d’œil, il put inventorier tout ce qui se trouvait dans la chambre.

Cette pièce, grande, mais excessivement basse, était la seule louée par les Kapernaoumoff ; dans le mur de gauche se trouvait une porte donnant accès chez eux. Du côté opposé, dans le mur de droite, il y avait encore une porte, celle-ci toujours fermée. Là était un autre logement, sous un autre numéro. La chambre de Sonia ressemblait à un hangar, elle affectait la forme d’un rectangle très-irrégulier, et cette disposition lui donnait quelque chose de monstrueux. Le mur percé de trois fenêtres, qui était en façade sur le canal, la coupait en écharpe, formant ainsi un angle extrêmement aigu, au fond duquel on ne pouvait rien distinguer, vu la faible clarté que répandait la chandelle. Par contre, l’autre angle était démesurément obtus. Cette vaste pièce ne renfermait presque pas de meubles. Dans le coin à droite se trouvait le lit ; entre le lit et la porte, une chaise ; du même côté, juste en face de la porte du logement voisin, était placée une table de bois blanc recouverte d’une nappe bleue ; près de la table il y avait deux chaises de jonc. Contre le mur opposé, dans le voisinage de l’angle aigu, était adossée une petite commode en bois non verni, qui semblait perdue dans le vide. Voilà à quoi se réduisait tout l’ameublement. Le papier jaunâtre et usé avait pris dans tous les coins des tons noirs, effet probable de l’humidité et de la fumée de charbon. Tout, dans ce local, dénotait la pauvreté ; il n’y avait même pas de rideaux au lit.

Sonia considérait en silence le visiteur qui examinait sa chambre si attentivement et avec un tel sans gêne ; à la fin, elle se mit à trembler de frayeur, comme si elle se fût trouvée devant l’arbitre de son sort.

— Je viens chez vous pour la dernière fois, dit d’un air morne Raskolnikoff, paraissant oublier que c’était aussi la première fois qu’il y venait ; peut-être que je ne vous verrai plus…