gaieté : — je voulais faire le malin, mais non, avec vous ça ne prend pas !
— Encore en ce moment vous cherchez à m’entortiller.
— Eh bien, quoi ? Eh bien, quoi ? répéta Svidrigaïloff en riant de tout son cœur : — c’est de bonne guerre, comme on dit en français, cette malice-là est bien permise !… Mais vous ne m’avez pas laissé achever : pour en revenir à ce que je disais tout à l’heure, il ne se serait rien passé de désagréable sans l’incident du jardin. Marfa Pétrovna…
— On dit aussi que vous avez tué Marfa Pétrovna ? interrompit brutalement Raskolnikoff.
— Ah ! on vous a déjà parlé de cela ? Du reste, ce n’est pas étonnant… Eh bien, pour ce qui est de la question que vous me faites, je ne sais vraiment que vous dire, bien que j’aie la conscience parfaitement tranquille à cet égard. N’allez pas croire que je redoute les suites de cette affaire : toutes les formalités d’usage ont été accomplies de la façon la plus minutieuse, l’enquête médicale a prouvé que la défunte est morte d’une attaque d’apoplexie provoquée par un bain qu’elle a pris au sortir d’un plantureux repas où elle avait bu près d’une bouteille de vin ; on n’a rien pu découvrir d’autre… Non, ce n’est pas là ce qui m’inquiète. Mais plusieurs fois, surtout pendant que je roulais en wagon vers Pétersbourg, je me suis demandé si je n’avais pas contribué moralement à ce… malheur, soit en causant de l’irritation à ma femme, soit de quelque autre manière semblable. J’ai fini par conclure qu’il n’avait pu en être ainsi.
Raskolnikoff se mit à rire.
— De quoi vous préoccupez-vous là !
— Qu’avez-vous à rire ? Je lui ai donné seulement deux petits coups de cravache, ils n’ont pas même laissé de marques… Ne me considérez pas, je vous prie, comme un cynique ; je sais parfaitement que c’est ignoble de ma part, etc., mais je sais aussi que mes accès de brutalité ne déplai-