Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/70

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d’instruction : c’était, au contraire, lui, Raskolnikoff, qui était tombé dans un traquenard ; évidemment il y avait quelque piège, quelque embûche qu’il ne connaissait pas, la mine était déjà chargée peut-être et allait éclater dans un moment…

Allant droit au fait, il se leva et prit sa casquette :

— Porphyre Pétrovitch, déclara-t-il d’un ton résolu, mais où perçait une assez vive irritation, — hier vous avez témoigné le désir de me faire subir un interrogatoire. (Il appuya particulièrement sur le mot : interrogatoire.) Je suis venu me mettre à votre disposition : si vous avez des questions à m’adresser, questionnez-moi, sinon, permettez-moi de me retirer. Je ne puis pas perdre mon temps ici, j’ai autre chose à faire… il faut que j’aille à l’enterrement de ce fonctionnaire qui a été écrasé par une voiture et dont… vous avez aussi entendu parler… ajouta-t-il, et aussitôt il s’en voulut d’avoir ajouté cette phrase. Puis il poursuivit avec une colère croissante : Tout cela m’ennuie, entendez-vous ? et il y a trop longtemps que cela dure… C’est, en partie, ce qui m’a rendu malade… En un mot, continua-t-il d’une voix de plus en plus irritée, car il sentait que la phrase sur sa maladie était encore plus déplacée que l’autre, en un mot, veuillez m’interroger ou souffrez que je m’en aille à l’instant même… Mais si vous m’interrogez, que ce soit dans la forme voulue par la procédure ; autrement, je ne vous le permets pas ; d’ici là, adieu, puisque, pour le moment, nous n’avons rien à faire ensemble.

— Seigneur ! mais que dites-vous donc ? Mais sur quoi vous interroger ? reprit le juge d’instruction qui cessa instantanément de rire, ne vous inquiétez pas, je vous prie.

Il invitait Raskolnikoff à se rasseoir, tandis que lui-même continuait d’aller et de venir dans la chambre.

— Nous avons le temps, nous avons le temps, et tout cela n’a pas d’importance ! Au contraire, je suis si content que vous soyez venu chez nous… C’est comme visiteur que je vous