Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dis que je ne veux pas !… Je ne le puis ni ne le veux !… Vous entendez ! reprit d’une voix de tonnerre Raskolnikoff en déchargeant un nouveau coup de poing sur la table.

— Plus bas, plus bas ! On va vous entendre ! Je vous donne un avertissement sérieux : prenez garde à vous ! murmura Porphyre.

Le juge d’instruction n’avait plus ce faux air de paysanne qui simulait la bonhomie sur son visage ; il fronçait le sourcil, parlait en maître et semblait sur le point de lever le masque. Mais cette attitude nouvelle ne dura qu’un instant. D’abord intrigué, Raskolnikoff entra soudain dans un transport de colère ; cependant, chose étrange, cette fois encore, bien qu’il fut au comble de l’exaspération, il obéit à l’ordre de baisser la voix. D’ailleurs, il sentait qu’il ne pouvait faire autrement, et cette pensée contribua encore à l’irriter.

— Je ne me laisserai pas martyriser ! murmura-t-il, — arrêtez-moi, fouillez-moi, faites des perquisitions, mais agissez selon la forme et ne jouez pas avec moi ! N’ayez pas l’audace…

— Eh ! ne vous inquiétez donc pas de la forme, interrompit Porphyre de son ton narquois tandis qu’il contemplait Raskolnikoff avec une sorte de jubilation, — c’est familièrement, batuchka, c’est tout à fait en ami que je vous ai invité à venir me voir !

— Je ne veux pas de votre amitié et je crache dessus ! Entendez-vous ? Et maintenant je prends ma casquette et je m’en vais. Qu’est-ce que vous direz, si vous avez l’intention de m’arrêter ?

Au moment où il approchait de la porte, Porphyre lui saisit de nouveau le bras un peu au-dessus du coude.

— Ne voulez-vous pas voir une petite surprise ? ricana le juge d’instruction ; il paraissait de plus en plus gai, de plus