Page:Dostoïevski - Crime et chatiment, tome 2.djvu/92

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— Ne te presse donc pas d’innocenter Mitka ; est-ce que je t’ai questionné à son sujet ?… Pourtant, comment se fait-il que les dvorniks vous aient vus tous deux descendre l’escalier en courant ?

— J’ai fait exprès de courir après Mitka… c’était une feinte pour détourner les soupçons, répondit Nicolas.

— Allons, c’est bien, en voilà assez ! cria Porphyre avec colère ; il ne dit pas la vérité ! grommela-t-il ensuite comme à part soi, et soudain ses yeux rencontrèrent Raskolnikoff, dont il avait évidemment oublié la présence durant ce dialogue avec Nicolas. En apercevant son visiteur, le juge d’instruction parut se troubler… Il s’avança aussitôt vers lui.

— Rodion Romanovitch, batuchka ! Excusez-moi… je vous prie… vous n’avez plus rien à faire ici… moi-même… vous voyez quelle surprise !… Je vous prie…

Il avait pris le jeune homme par le bras et lui montrait la porte.

— Il paraît que vous ne vous attendiez pas à cela ? observa Raskolnikoff.

Naturellement, ce qui venait de se passer était encore pour lui une énigme ; cependant il avait recouvré en grande partie son assurance.

— Mais vous ne vous y attendiez pas non plus, batuchka. Voyez donc comme votre main tremble ! Hé ! hé !

— Vous tremblez aussi, Porphyre Petrovitch.

— C’est vrai ; je ne m’attendais pas à cela !…

Ils se trouvaient déjà sur le seuil de la porte. Le juge d’instruction avait hâte d’être débarrassé de son visiteur.

— Alors vous ne me montrerez pas la petite surprise ? demanda brusquement celui-ci.

— C’est à peine s’il a retrouvé la force de parler, et il fait déjà de l’ironie ! Hé ! hé ! vous êtes un homme caustique ! Allons, au revoir !

— Je crois qu’il faudrait plutôt dire adieu !