Est-ce chez lui que vous vouliez me placer ? reprit-elle après un moment de silence.
— Oui, Hélène.
— J’aime mieux m’engager comme servante.
— Ah ! que c’est mal de parler ainsi, Lénotchka ! Qui est-ce qui te prendra ? C’est absurde.
— Le premier moujik venu, répondit-elle impatientée et irritée, et en baissant toujours les yeux.
— Un moujik n’a que faire d’une servante comme toi, lui répondis-je en souriant.
— Eh bien ! j’irai chez des seigneurs.
— Avec ton caractère, comment pourrais-tu demeurer chez des seigneurs ?
— Oui, avec mon caractère. Et plus elle s’emportait, plus ses réponses étaient brusques.
— Tu n’y tiendrais pas.
— J’y tiendrai. On me grondera, et je me tairai ; on me battra, je me tairai, je me tairai toujours. Qu’on me batte ! pour rien au monde je ne pleurerai. Ils se trouveront encore plus mal de leur méchanceté quand ils verront que je ne pleure pas.
— Qu’as-tu donc, Hélène ? Pourquoi es-tu si irritée et si fière ? Tu as sans doute été bien malheureuse !
Je me levai et allai m’asseoir à table. Hélène, perdue dans ses pensées, tiraillait en silence la bordure du canapé.
Je dépaquetai machinalement les livres que j’avais apportés la veille pour mon article, et je me mis à les feuilleter et à écrire.
— Qu’est-ce que vous écrivez là ? me demanda Hélène avec un sourire timide, en s’approchant de ma table.
— Toutes sortes de choses, Lénotchka ; je gagne ma vie en écrivant.
Je lui expliquai que j’écrivais des histoires sur différents sujets, et que le résultat formait un livre appelé nouvelle ou roman. Elle m’écoutait avec curiosité.
— C’est vrai, ce que vous écrivez ?
— Non, je l’invente.
— Pourquoi n’écrivez-vous pas quelque chose qui soit vrai ?
—