l’idée qui lui venait. Tu verras quelle ravissante créature ! Tu verras si elle veut être ta rivale et nous séparer ! Que tu étais injuste tantôt lorsque tu disais que je suis de ceux qui peuvent cesser d’aimer le lendemain du jour de leur mariage ! Quelle amertume pour moi de t’entendre parler ainsi ! Non, je ne suis pas de ceux-là, et si je suis allé souvent chez Katia…
— Assez, Aliocha, vas-y quand tu voudras. Ce n’est pas de cela que je parlais ; tu n’as pas bien compris ; sois heureux avec qui tu voudras, je n’exige pas de ton cœur plus qu’il ne saurait donner…
Mavra entra.
— Eh bien ! il faut servir le thé, quoi ? C’est amusant ! voilà deux heures que le samovar bout : il est bientôt minuit.
Mavra était de mauvaise humeur, et il y avait bien de quoi : depuis le mémorable mardi, elle avait vécu dans une sorte d’extase de ce que sa maîtresse, qu’elle adorait, allait se marier ; elle avait déjà eu le temps de publier la nouvelle dans la maison, dans le voisinage, chez l’épicier, chez le portier. Et voilà qu’à présent tout cela s’en allait subitement en fumée ! Le prince était parti furieux, on n’avait pas servi le thé, et à qui la faute, sinon à sa maîtresse ? Mavra l’avait entendue parler au prince sans le moindre égard.
— Oui, tu peux servir le thé, dit Na tacha.
— Et faut-il aussi servir à souper ?
— Sans doute, répondit Natacha toute troublée.
— On a préparé, préparé, marmottait Mavra ; depuis hier matin je ne sens plus mes jambes. Il a fallu courir, à droite et à gauche, acheter du vin, et à présent… Elle sortit en frappant la porte de colère.
Natacha rougit. On servit le thé et le souper : du gibier, du poisson, du vin, etc. Pourquoi a-t-elle préparé tout cela ? pensais-je.
— Tu vois comme je suis, Vania, dit-elle un peu embarrassée, j’avais le pressentiment que les choses iraient ainsi, et pourtant je pensais que ça finirait peut-être autrement :