sers. Il était ensuite d’une gaieté intarissable et racontait ses aventures avec la naïveté d’un enfant, riait aux éclats, comblait Natacha d’éloges et de bénédictions, et la soirée se terminait heureuse et gaie.
Quand il fut à bout de son argent, il vendit différents objets. Sur les insistances de Natacha, ils prirent un logement plus petit et à meilleur marché. La vente des effets allait son train : Natacha vendit même des robes et chercha de l’ouvrage ; lorsque Aliocha l’apprit, il fut au désespoir : il se maudit, s’écria qu’il se méprisait lui-même, et ne fit cependant rien pour arranger les affaires. Dans les derniers temps, toutes autres ressources se trouvant épuisées, il ne restait plus que l’ouvrage, dont la rétribution était d’une modicité extrême.
Ils avaient d’abord demeuré ensemble, ce qui avait produit une sérieuse querelle entre Aliocha et son père. Le dessein que celui-ci avait de marier son fils avec la belle-fille de la comtesse n’existait alors qu’à l’état de projet ; mais le prince y travaillait avec beaucoup d’ardeur, il conduisait Aliocha chez celle qui devait être sa promise, l’exhortait à faire tout ce qui dépendrait de lui pour lui plaire, s’efforçait de le convaincre par la rigueur et par le raisonnement ; mais les choses s’étant gâtées à cause de la comtesse, le prince avait de nouveau fermé les yeux sur la liaison de son fils et résolu de laisser agir le temps ; il connaissait suffisamment l’étourderie et la légèreté du jeune homme pour avoir la conviction que son amour ne tarderait pas à se refroidir. Il avait même cessé de s’inquiéter de la possibilité d’un mariage entre son fils et Natacha. De leur côté, les amants avaient remis la chose jusqu’à formelle réconciliation entre leurs parents. Quelques paroles qu’Aliocha avait un jour laissées échapper me donnèrent l’idée que son père trouvait peut-être un certain plaisir à toute cette histoire : ce qui lui plaisait, c’était l’abaissement d’Ikhméniew. Il continuait pour la forme de témoigner à son fils du mécontentement, il réduisit la somme, assez mince déjà, qu’il lui allouait mensuellement (il était excessivement ladre envers lui), et le menaça de la retrancher tout à fait ; il poursuivait