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Page:Dostoïevski - Journal d’un ecrivain.djvu/310

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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

que les quatorze classes de noblesse demeureront ce qu’elles étaient, mais les « meilleurs hommes » perdirent de leur influence. L’opinion publique ne les plaça plus aussi haut qu’avant. On en vint à se demander où et comment on recruterait de nouveaux « meilleurs hommes », à présent que les anciens étaient tombés dans l’estime générale…


Sur le même sujet.


Les choses en vinrent au point que le pouvoir ne choisit plus, ou le moins possible, ses conseillers et ses fonctionnaires dans les rangs des nobles. Ils perdirent ainsi leur caractère officiel. Ceux d’entre eux qui voulurent demeurer à la tête des affaires du pays durent positivement passer de la catégorie des « meilleurs hommes » relatifs à celle des hommes absolument meilleurs que les autres, des meilleurs hommes que j’appellerai les naturellement meilleurs. Une espérance charmante naquit. On s’imagina que ce seraient désormais les gens vraiment méritants qui occuperaient toutes les places. Mais où trouver ces derniers ? Pour quelques-uns ce fut une énigme. D’autres se dirent que tout s’arrangerait forcément, que si les hommes naturellement les meilleurs ne remplissaient pas encore toutes les fonctions, ils les rempliraient le lendemain, infailliblement. Certains penseurs demeurèrent toutefois dans le doute. Comment s’appelaient-ils, ces meilleurs hommes naturels ? Où, d’abord, était l’homme universellement reconnu le meilleur ?

Évidemment ce ne fut pas sous cette forme que l’on parla de la question, mais toute notre société connut des heures de trouble. Des gens ardents et enthousiastes crièrent aux sceptiques que le meilleur homme était tout trouvé, que c’était le plus instruit, l’homme de science dépourvu des préjugés de l’ancien temps. Beaucoup déclarèrent cette opinion inacceptable, l’homme instruit n’était pas forcé-