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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

Voilà les erreurs qu’il faut combattre et je les combattrai. Si tous voulaient sincèrement le bonheur, le bonheur serait, et immédiatement.

Et la petite fille ? ― Je l’ai retrouvée.


V


L’ACQUITTEMENT DE l’INCULPÉE KORNILOVA


Le 22 avril de cette année, l’affaire de l’inculpée Kornilova est revenue devant un autre jury.

Le verdict et l’arrêt prononcés par les tribunaux, l’an passé, ont été cassés, vu l’insuffisance de l’expertise médicale. La plupart de mes lecteurs se rappellent probablement cette affaire. Une jeune marâtre (alors encore mineure), enceinte, furieuse contre son mari, qui la froissait en lui vantant les mérites de sa première femme, après une violente querelle avec lui, jeta par la fenêtre d’un quatrième étage la fille de son mari, âgée de six ans. Par miracle, l’enfant ne se fit aucun mal.

Cet acte sauvage de la jeune femme était si absurde, il était en telle contradiction avec tous ses autres actes, qu’une question se posait d’elle-même : sa responsabilité était-elle entière ? Ne pouvait-on imputer cet acte à un état morbide dû à la grossesse.

Le matin elle se leva, son mari partit à sa besogne, elle laissa dormir l’enfant ; puis la réveilla, l’habilla, la chaussa, lui fit boire du café. Alors elle ouvrit la fenêtre et la lança dans le vide. Sans même regarder par la fenêtre pour voir ce que devenait l’enfant, elle ferma la fenêtre, s’habilla, et s’en fut au commissariat de police. Là, elle raconta ce qui venait de se passer. Elle répondit aux questions d’une manière étrange et grossière. Quand, quelques heures après, on lui apprit que l’enfant était saine et sauve, elle ne manifesta ni joie ni dépit et pro-