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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

multitude des travailleurs. Le catholicisme romain, — c’est trop évident, — a besoin non du Christ, mais de la royauté universelle, et son chef dira : « Il vous est nécessaire de vous unir contre l’ennemi ; marchez tous avec moi, car moi seul suis universel ! ». Le prince de Bismarck s’est, sans doute, déjà imaginé tout le tableau parce que lui seul, de tous les diplomates, a eu la vue assez puissante pour distinguer l’avenir ; il sait quelle est la vitalité de l’idée romaine et toute l’énergie qu’elle mettra à se défendre. Elle a un violent désir de vivre et il ne sera pas facile de la tuer : « C’est un serpent ! » C’est ce qu’entrevoit seul le prince de Bismarck, le plus grand ennemi de la Papauté et de l’idée romaine.

Mais les républicains français, ces petits vieillards aux prétentions de jeunes gens, sont incapables de le comprendre. Ils haïssent le Pape, en tant que libéraux, mais ils le croient impuissant, de même qu’ils se figurent que l’idée romaine est morte. Ils n’ont pas su s’arranger avec le parti clérical, ne fût-ce que politiquement, pour se fortifier. Ils pourraient au moins éviter de l’irriter aussi témérairement et promettre leur concours pour l’époque proche de l’élection d’un nouveau pape. Mais ils ont fait tout le contraire, soit par conviction, soit par légèreté. Ils se sont mis à traquer tout spécialement les cléricaux, juste au moment où la France demeurait le seul soutien de la Papauté qui a couru quelques risques de mourir en même temps que Pie IX. Quelle puissance, en effet, pouvait tirer le glaive pour défendre la « liberté » de l’élection papale, — quelle puissance, sinon la France, pourvue d’une grande et forte armée ? Il est vrai que le maréchal de Mac-Mahon est prisonnier du parti républicain qui règne en maître. Mais soudain, les cléricaux français, ces cléricaux si impuissants et si méprisés, délivrent le maréchal de Mac-Mahon et font preuve d’une vigueur qu’on ne leur connaissait plus. Ils démontrent aux anciens partis qu’ils ne peuvent s’unir que sous le drapeau clérical et l’accord se fait. Quel est l’ennemi le plus acharné des légitimistes et des bonapartistes ? N’est-ce pas la majo-