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JOURNAL D’UN ÉCRIVAIN

retomber dans le malheur de l’avenir. Je ne sache pas qu’il se soit passé rien de pareil lors de l’épilogue de l’affaire Djounkowsky, mais voici, selon moi, ce que le président aurait pu dire aux acquittés.

IV

LE DISCOURS IMAGINAIRE DU PRÉSIDENT D’ASSISES


Accusés, vous voici acquittés. Mais rappelez-vous qu’il y a un autre tribunal que celui-ci : le tribunal de votre propre conscience, faites que celui-là vous acquitte aussi, ne fût-ce que plus tard. Vous nous dites que vous l’intention de vous occuper désormais, vous-même, de vos enfants. Si vous l’aviez fait plutôt vous n’auriez sans doute pas eu à affronter ce procès. Mais aurez-vous le courage de persister dans votre bonne résolution ? Ce n’est pas tout que de promettre, il faut vous mettre à l’œuvre. Je n’ose pas dire que vous soyez des parents sans cœur, que vous haïssiez vos enfant, je ne vous accuse pas de cette monstruosité. Mais vous voyez que, lorsque les parents se désintéressent de leur famille, ils courent le risque de ne plus l’aimer assez, de se dégoûter d’elle, de la maltraiter, surtout lorsque les enfants grandissent et que leurs exigences croissent. Vous vous irritez alors d’avoir tant à faire pour eux, d’en venir à craindre d’être obligés de leur sacrifier votre repos. Avec cela, ce qui n’a été d’abord que des niches enfantines se transforme en fautes de plus en plus graves chez de jeunes êtres négligés, dont le cœur et l’esprit se gâtent : ils finissent par inspirer à leurs parents de l’éloignement et de la colère. Nous avons vu, que vous vous affligiez de la perversité de vos enfants. Mais comment voulez-vous qu’ils devinssent meilleurs ? L’accusation nous a appris que vous les enfermiez parfois