Aller au contenu

Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle a été et ce qu’elle est ? (Et il criait, comme transporté.) Mais tout cela… tout cela, c’est pour plus tard… Pour le moment, ce n’est pas assez que vous ayez bu avec moi, Alexis Ivanovitch, me faut absolument une autre satisfaction…

Il posa son chapeau sur une chaise, et de nouveau, comme tout à l’heure, un peu haletant, il regarda Veltchaninov bien en face.

— Embrassez-moi, Alexis Ivanovitch, dit-il brusquement.

— Vous êtes ivre ! cria l’autre qui recula.

— Ivre ! mon Dieu oui, mais ce n’est pas la question : embrassez-moi, Alexis Ivanovitch… Ah ! il faut que vous m’embrassiez ! je vous ai bien baisé la main, moi, à l’instant !

Veltchaninov resta un moment silencieux, comme s’il eût reçu un coup de trique sur la tête. Puis, d’un geste brusque, il se pencha vers Pavel Pavlovitch, qui était là, tout contre lui, et l’embrassa sur les lèvres, qui sentaient horriblement le vin. Tout cela fut si rapide, si étrange, qu’il ne sut jamais si vraiment il l’avait embrassé.

— Ah ! maintenant… maintenant !… —s’écria Pavel Pavlovitch dans un transport d’ivrogne, les yeux brillants ; — ah ! voyez-vous,