Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/13

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rieurs » à ceux dont il avait tenu compte jusqu’alors — « à supposer qu’il soit exact de s’exprimer ainsi, et qu’il y ait véritablement des motifs supérieurs et des motifs inférieurs », ajoutait-il lui-même.

C’était vrai, il en était venu à être obsédé par des motifs supérieurs, auxquels jadis il n’aurait pas songé. Ce qu’il entendait, au fond de lui-même, par des motifs supérieurs, ce sont les motifs dont (à son grand étonnement) personne ne peut véritablement rire à part soi ; — à part soi, s’entend, car, devant les autres, c’est une autre affaire ! Il savait fort bien qu’à la première occasion, et dès demain, il planterait là les secrètes et pieuses injonctions de sa conscience, qu’il enverrait promener bien tranquillement tous ces « motifs supérieurs », qu’il serait le premier à en rire. Et c’est ainsi que les choses se passaient, sauf qu’il avait conquis une assez notable indépendance d’esprit à l’égard des « motifs inférieurs », qui l’avaient jusque-là entièrement gouverné. Il arrivait même parfois qu’en se levant, le matin, il eût honte des pensées et des sentiments qu’il avait eus durant son insomnie de la nuit. (Et il souffrait, dans les derniers temps, de fréquentes insomnies.) Il avait remarqué, de lon-