Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/17

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tissement plus profond, il en venait à se maudire, presque à éclater en larmes intérieures. Qu’eût-il dit, il n’y a pas deux ans, si on lui avait prédit qu’un jour il pleurerait ?

Ce qui lui revint d’abord en mémoire, c’était non des états de sensibilité, mais des choses qui jadis l’avaient froissé ; il se rappelait certains insuccès mondains, certaines humiliations : il se rappelait, par exemple, les « calomnies d’un intrigant » à la suite desquelles il avait cessé d’être reçu dans une maison — ou encore comment, il n’y avait pas si longtemps, il avait subi une offense préméditée et publique, sans en demander raison — ; comment, un jour, dans une société de femmes du meilleur monde, il avait été atteint par une épigramme fort aiguisée, à laquelle il n’avait rien trouvé à répondre. Il se rappelait encore deux ou trois dettes qu’il n’avait pas éteintes, dettes insignifiantes, c’est vrai, mais dettes d’honneur, contractées envers des gens qu’il ne voyait plus et dont il lui arrivait de dire du mal. Il souffrait aussi, mais seulement à ses pires moments, à l’idée qu’il avait gaspillé de la plus sotte façon deux fortunes, l’une et l’autre importantes. Mais bientôt ce fut le tour des souvenirs et des regrets d’ordre « supérieur ».