Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/269

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niaiseries grotesques et en vilaines piailleries de femme offensée. C’est pour cela qu’il est venu complètement ivre, pour être, avec toutes ses grimaces, en état de parler ; il n’aurait jamais pu, sans être ivre… Et ce qu’il les aimait, les grimaces ! Quelle joie, lorsque je me suis laissé aller à cette embrassade !… Seulement il ne savait pas alors si tout cela finirait par un baiser ou par un coup de couteau. Eh bien ! la solution est venue, la meilleure, la vraie solution : le baiser et le coup de couteau, les deux à la fois. C’est la solution tout à fait logique !…

« Il a été assez bête pour me mener voir sa fiancée… Sa fiancée ! Seigneur ! Il n’y a qu’un être comme lui qui puisse avoir l’idée de "renaître à une vie nouvelle" par ce moyen-là. Pourtant, il a eu des doutes ; il lui a fallu la haute sanction de Veltchaninov, de l’homme dont il faisait si grand cas. Il fallait que Veltchaninov lui donnât l’assurance que le rêve n’était pas rêve, que tout cela était bien réel… Il m’a emmené parce qu’il m’admirait infiniment, parce qu’il avait une confiance sans bornes dans la noblesse de mes sentiments, —et qui sait ? parce qu’il espérait que là-bas, sous la verdure, nous nous embrasserions et