Page:Dostoïevski - L’Éternel Mari, trad. Nina Halpérine-Kaminsky, 1896.djvu/271

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depuis quinze jours, par pitié pour moi ! Puisque c’est Bagaoutov qu’il voulait et non pas moi !… Puisqu’il s’est relevé, cette nuit, pour faire chauffer les assiettes, espérant que l’attendrissement écarterait le couteau !… C’est bien clair, il les chauffait pour lui-même autant que pour moi, ses assiettes !… »

Longtemps encore sa tête malade travailla de la sorte à tisser du vide, jusqu’au moment où il s’assoupit. Il se réveilla, le lendemain matin, la tête toujours aussi malade, mais il se sentit en proie à une terreur nouvelle, imprévue…

Cette terreur venait de la conviction soudaine qui s’était faite en lui qu’il devrait, lui, Veltchaninov, ce jour-là, de son propre mouvement, aller chez Pavel Pavlovitch. Pourquoi ? en vue de quoi ? Il n’en savait rien, n’en voulait rien savoir ; ce qu’il savait, c’est qu’il irait.

Sa folie — il ne trouvait pas d’autre nom — grandit à tel point qu’il finit par trouver à cette résolution un air raisonnable et un prétexte plausible : déjà, la veille, il avait été obsédé par l’idée que Pavel Pavlovitch, rentré chez lui, avait dû s’enfermer et se pendre, tout comme le commissaire dont lui avait