Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/203

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— Sur ce dernier point je suis de votre avis, observa avec une irritation mal contenue Ivan Fédorovitch.

Tout cela, sans doute, était fort grossier et d’une grossièreté préméditée ; mais on le passait à Ferdychtchenko, qui avait réussi à se faire accepter comme bouffon.

— Si on me laisse entrer ici, si l’on m’y tolère, avait-il dit un jour, — c’est seulement pour que je parle dans cet esprit. Voyons, est-il possible de recevoir un homme comme moi ? Je comprends bien cela. Peut-on me faire asseoir, moi un Ferdychtchenko, à côté d’un gentleman aussi raffiné qu’Afanase Ivanovitch ? Reste une seule explication : on me donne place à côté de lui parce que c’est une chose inimaginable.

Mais, quoique grossières et souvent même très-blessantes, ces pasquinades semblaient faire plaisir à Nastasia Philippovna. Ceux qui désiraient fréquenter son salon étaient obligés d’en prendre leur parti et de subir Ferdychtchenko. Peut-être celui-ci ne se trompait-il pas en supposant qu’on le recevait pour vexer Totzky, à qui, dès l’abord, il avait profondément déplu. Gania, de son côté, se voyait constamment en butte aux sarcasmes du bouffon, lequel savait, par cette persécution, se concilier les bonnes grâces de Nastasia Philippovna.

— Le prince commencera par nous chanter la romance à la mode, j’en fais mon affaire, acheva Ferdychtchenko, et il regarda la maîtresse de la maison, attendant ce qu’elle allait dire.

— Je ne pense pas, Ferdychtchenko, et je vous prie de vous tenir tranquille, observa sèchement Nastasia Philippovna.

— A-ah ! du moment qu’une protection particulière le couvre, je rentre mes griffes…

Mais, sans l’écouter, la jeune femme se leva et alla elle-même recevoir le visiteur.

— J’ai regretté d’avoir oublié de vous inviter tantôt, dans la précipitation de mon départ, dit-elle quand elle se trouva