Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/250

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Le prince gardait le silence et observait tout d’un air attristé.

— Qu’on me donne seulement un millier de roubles, et je retire le paquet avec mes dents ! déclara Ferdychtchenko.

— Je saurais bien, moi aussi, le retirer avec mes dents ! cria l’athlète dans un véritable accès de désespoir. — Le d-diable m’emporte ! Ça brûle, tout est flambé ! ajouta-t-il en voyant briller la flamme.

— Ça brûle ! ça brûle ! fit-on d’une commune voix ; presque tous voulaient se précipiter vers la cheminée.

— Gania, ne fais pas de manières, je te le dis pour la dernière fois !

Ne se connaissant plus, Ferdychtchenko s’approcha vivement du jeune homme et le tira par la manche :

— Vas-y ! vociféra-t-il, — vas-y, fanfaron ! Ça brûle ! Ô m-m-maudit !

Gania repoussa Ferdychtchenko avec force, tourna sur ses talons et se dirigea vers la porte, mais, avant d’avoir fait seulement deux pas, il commença à chanceler et tomba comme une masse sur le parquet.

— Il s’est évanoui ! s’exclamèrent les assistants.

— Matouchka, ça brûle ! gémit Lébédeff.

— Cent mille roubles inutilement brûlés ! entendait-on partout dans la foule.

— Katia, Pacha, de l’eau pour lui, de l’esprit-de-vin ! ordonna Nastasia Philippovna, puis elle prit les pincettes et retira le paquet. Presque tout le papier qui l’entourait extérieurement était consumé, mais on s’aperçut tout de suite que l’intérieur n’avait pas été atteint. Protégé par une triple enveloppe, l’argent était intact. Tout le monde respira plus librement.

— Il n’y a d’un peu endommagé qu’un millier de roubles, tout le reste est sauf, dit avec attendrissement Lébédeff.

— La somme entière lui appartient ! Tout le paquet est à lui ! Vous entendez, messieurs ! reprit à haute voix Nastasia Philippovna, en déposant le paquet à côté de Gania ; —