Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/264

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buait une foule d’aventures galantes. Lorsqu’il eut vu Aglaé, il se mit à fréquenter assidûment la maison Épantchine. À la vérité, rien n’avait encore été dit, même par voie d’allusion ; néanmoins les parents estimèrent qu’il n’y avait pas lieu de penser à un voyage pour cet été. Aglaé elle-même était peut-être d’un autre avis.

Cela se passait très-peu de temps avant la rentrée en scène de notre héros. À en juger d’après les apparences, on avait alors complètement oublié à Pétersbourg le pauvre prince Muichkine. Si maintenant il reparaissait tout à coup au milieu de ses connaissances, il devait faire l’effet d’un homme tombé du ciel. Cependant, il nous reste encore à signaler un fait pour terminer cette introduction.

Après le départ du prince, Kolia Ivolguine avait d’abord continué à vivre comme par le passé, c’est-à-dire qu’il allait au gymnase, visitait son ami Hippolyte, surveillait le général et secondait Varia dans les soins du ménage. Mais les locataires ne tardèrent pas à s’éclipser : trois jours après la scène chez Nastasia Philippovna, Ferdychtchenko disparut et l’on n’eut plus de ses nouvelles ; on disait, sans toutefois l’affirmer, qu’il buvait quelque part. Le prince alla à Moscou, de sorte que les chambres louées en garni restèrent vides. Plus tard, lorsque Varia se fut mariée, Nina Alexandrovna et Gania allèrent habiter avec elle chez Ptitzine, à Ismaïlovsky Polk ; pour ce qui est du général Ivolguine, il lui arriva vers le même temps quelque chose d’absolument imprévu : son amie, madame Térentieff, à qui il avait souscrit, à différentes époques, pour deux mille roubles de billets, le fit enfermer à la prison pour dettes. Cette manière d’agir causa une profonde surprise au pauvre Ardalion Alexandrovitch, « décidément victime de sa confiance illimitée dans la noblesse du cœur humain ». En prenant la douce habitude de signer des lettres de change et des billets à ordre, le général n’avait jamais cru possible que ces papiers lui attirassent des ennuis. L’événement lui prouva qu’il s’était trompé. « Fiez-vous aux gens après cela, montrez une noble