comptais me rencontrer avec toi !… Eh bien, mais quoi !… Adieu, au revoir ! Que Dieu ne t’abandonne pas !
Il tourna les talons et descendit l’escalier.
— Léon Nikolaïévitch ! cria du carré Parfène, quand le prince fut arrivé en bas : — la croix que tu as achetée à ce soldat, l’as-tu sur toi ?
— Oui.
Et, ce disant, le prince s’arrêta.
— Montre-la donc !
Encore une fantaisie bizarre ! Après un moment de réflexion, Muichkine remonta, et, sans ôter sa croix de son cou, la fit voir à Rogojine.
— Donne-la-moi, dit celui-ci.
— Pourquoi ? Est-ce que tu ?…
Le prince aurait préféré ne pas se séparer de cette croix.
— Je la porterai et je te donnerai la mienne à la place.
— Tu veux que nous échangions nos croix ? Soit, Parfène, s’il en est ainsi, je ne demande pas mieux ; fraternisons !
Le prince tendit sa croix d’étain à Parfène, qui lui donna sa croix d’or. Celui-ci, pourtant, restait silencieux. En vain les deux hommes venaient de fraterniser : le prince remarquait avec une pénible surprise que le visage de Rogojine exprimait encore la défiance et que, par moments du moins, un sourire amer, presque railleur, continuait à plisser ses lèvres. À la fin, Parfène Séménitch prit, sans proférer un mot, la main de Muichkine ; pendant un certain temps il parut hésiter ; puis, tout à coup, d’une voix presque inintelligible, il dit au prince : « Viens avec moi », et l’entraîna à sa suite. Ils traversèrent le palier du premier étage et sonnèrent à une porte vis-à-vis de celle par où ils étaient sortis. On ne tarda pas à leur ouvrir. Une vieille femme toute voûtée et portant un mouchoir noir noué autour de sa tête fit silencieusement une profonde révérence à Rogojine. Il lui adressa à la hâte une question, et, sans attendre la réponse, introduisit le prince dans l’ap-