Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/361

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaque souffle qui sortait de sa poitrine. Il semblait n’avoir plus que deux ou trois semaines à vivre.

Hippolyte était très-fatigué, et, avant qu’aucun de ses compagnons s’assit, il se laissa tomber sur une chaise. Les autres firent, en entrant, quelques cérémonies ; ils étaient un peu confus, bien que, dans la crainte de le laisser voir, ils s’efforçassent de se donner un air imposant. Bref, leur attitude n’était pas celle qu’on aurait attendue de gens qui faisaient profession de mépriser tous les préjugés, toutes les inutiles niaiseries mondaines, et de ne rien admettre en dehors de l’intérêt personnel.

— Antip Bourdovsky, bégaya précipitamment le « fils de Pavlichtcheff ».

— Wladimir Doktorenko, articula nettement et même avec une nuance d’orgueil le neveu de Lébédeff, comme s’il eût été fier de s’appeler Doktorenko.

— Keller ! murmura l’ancien officier.

— Hippolyte Térentieff ! cria ce dernier d’une voix glapissante.

À la fin tous prirent place sur une rangée de chaises en face du prince, puis ils froncèrent les sourcils, et, pour se donner une contenance, firent passer leurs casquettes d’une main dans l’autre. Chacun se disposait à parler et pourtant chacun se taisait ; ils attendaient d’un air de défi. « Non, mon ami, tu ne nous attraperas pas ! » disaient clairement leurs visages. On sentait qu’au premier mot proféré par quelqu’un, tous aussitôt prendraient la parole à la fois et feraient assaut de loquacité.

VIII

— Messieurs, je n’attendais aucun de vous, commença le prince, — moi-même j’ai été malade jusqu’à ce jour. Il y a