Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/382

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que j’avais supposé. Je sais, messieurs, que beaucoup de gens me considèrent comme un idiot. Sur ma réputation d’homme qui dénoue facilement les cordons de sa bourse, Tchébaroff a cru qu’il était très-aisé de me flouer, surtout en exploitant la reconnaissance que je garde à Pavlichtcheff. Mais le principal, c’est que… écoutez donc, messieurs, laissez-moi achever !… le principal, c’est qu’il se trouve à présent que monsieur Bourdovsky n’est pas du tout le fils de Pavlichtcheff ! Gabriel Ardalionovitch m’a communiqué tout à l’heure cette découverte, et il assure qu’il s’est procuré des preuves positives ! Eh bien, que vous en semble ? Est-ce impossible à croire après tous les tours qu’on m’a déjà joués ? Notez qu’il existe, paraît-il, des preuves positives ! Je ne le crois pas encore, moi-même je ne le crois pas, soyez-en sûrs ; pour le moment je reste dans le doute, parce que Gabriel Ardalionovitch n’a pas encore eu le temps de me donner tous les détails ; mais que Tchébaroff soit une canaille, il n’y a plus lieu d’en douter maintenant ! Il a trompé et le malheureux monsieur Bourdovsky, et vous tous, messieurs, qui êtes venus noblement soutenir votre ami (car il a évidemment besoin d’appui, je comprends cela !); il a abusé de votre crédulité à tous pour vous impliquer dans une affaire d’escroquerie, attendu qu’au fond cette revendication n’est pas autre chose !

— Comment ! une escroquerie… ? Comment ! il n’est pas le « fils de Pavlichtcheff » ?… Comment est-ce possible ?…

Ces exclamations n’exprimaient que bien faiblement la profonde stupeur dans laquelle les paroles du prince avaient plongé toute la société de Bourdovsky.

— Mais certainement, c’est une escroquerie ! Voyons, du moment que monsieur Bourdovsky n’est pas le fils de Pavlichtcheff, sa réclamation ne constitue ni plus ni moins qu’une tentative d’escroquerie (en supposant, bien entendu, qu’il savait la vérité !), mais le fait est qu’on l’a trompé ; j’insiste sur ce point pour le justifier, je répète que sa simplicité le rend digne de pitié et qu’il ne peut rester sans appui ; autrement il aurait agi comme un fripon dans cette affaire. Mais