Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/63

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Vous voyez, j’y vais tout à fait franchement avec vous. Gania, tu ne vois pas d’objection, j’espère, à ce que le prince loge dans votre demeure ?

— Oh ! pas du tout, au contraire ! Et maman sera enchantée… répondit poliment le jeune secrétaire.

— Vous avez déjà, je crois, un autre locataire ; comment l’appelle-t-on donc ? Ferd…? Fer…?

— Ferdychtchenko.

— Ah ! oui ; votre Ferdychtchenko ne me plaît pas : c’est un bouffon de très-mauvais goût. Et je ne comprends pas pourquoi Nastasia Philippovna l’encourage ainsi. Est-ce que, vraiment, c’est un parent à elle ?

— Oh ! non, c’est une pure plaisanterie ! Il n’y a pas la moindre parenté entre eux.

— Allons, que le diable l’emporte ! Eh bien, prince, êtes-vous content ?

— Je vous remercie, général, vous avez fait preuve d’une bonté extraordinaire à mon égard, d’autant plus que je ne vous demandais rien ; ce n’est pas par orgueil que je dis cela ; le fait est que je ne savais même pas où reposer ma tête. Tantôt, il est vrai, Rogojine m’a invité à l’aller voir.

— Rogojine ? Eh bien, non ; je vous conseillerais paternellement, ou, si vous l’aimez mieux, amicalement, d’oublier même monsieur Rogojine. En thèse générale, selon moi, vous ferez bien de borner vos relations à la famille dans laquelle vous allez vivre.

— Puisque vous êtes si bon, commença le prince, — tenez, j’ai une affaire, j’ai reçu avis…

— Allons, excusez-moi, interrompit le général, — à présent je n’ai plus une minute. Je vais vous annoncer à Élisabeth Prokofievna : si elle consent à vous voir tout maintenant (je tâcherai de vous présenter d’une façon qui l’y décide), je vous engage à profiter de l’occasion et à vous arranger pour lui plaire, car Élisabeth Prokofievna peut vous être fort utile ; vous portez, d’ailleurs, le même nom qu’elle. Si elle ne veut pas vous recevoir, n’insistez pas, ce sera pour une