Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 1.djvu/85

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— Au contraire, il est même très-bien élevé et il a de fort bonnes façons. Un peu trop simple parfois… Mais le voilà lui-même ! Je vous présente le dernier des princes Muichkine, un homonyme et peut-être même un parent ; faites-lui bon accueil. Ces dames vont déjeuner, prince ; ainsi, faites-leur l’honneur… Mais, pardon, je suis en retard, je me sauve…

— On sait où vous vous sauvez, observa d’un ton significatif Élisabeth Prokofievna.

— Je me sauve, je me sauve, ma chère, je suis en retard ! Mais, mesdames, donnez-lui vos albums pour qu’il y écrive quelque chose, vous verrez quel talent il a ! C’est un calligraphe hors ligne ! Tout à l’heure il a reproduit sous mes yeux un spécimen de l’écriture d’autrefois : « L’igoumène Pafnoutii a apposé sa signature… » Allons, au revoir.

— Pafnoutii ? L’igoumène ? Mais attendez un peu, attendez, où allez-vous donc et qu’est-ce que c’est que ce Pafnoutii ? cria la générale prise de colère et presque d’inquiétude, tandis que son mari gagnait rapidement la porte.

— Oui, oui, ma chère, c’était un igoumène du temps passé… Mais je vais chez le comte, il m’attend depuis longtemps, lui-même m’avait donné rendez-vous… Prince, au revoir !

Le général partit au plus vite.

— Je sais chez quel comte il va ! dit d’un ton âpre Élisabeth Prokofievna, et ses yeux se reportèrent sur le prince avec une expression de mécontentement. — Quoi donc ! grommela ensuite l’irascible générale en faisant appel à ses souvenirs ; — eh bien, qu’est-ce que c’est ? Ah ! oui ; eh bien, quel igoumène ?

— Maman… commença Alexandra.

Aglaé frappa du pied.

— Laissez-moi parler, Alexandra Ivanovna, interrompit sèchement la mère, — moi aussi je veux savoir. Asseyez-vous ici, prince, tenez, sur ce fauteuil, en face de moi, non, ici, au soleil ; mettez-vous plus près de la lumière, que je puisse vous voir. Eh bien, quel igoumène ?

— L’igoumène Pafnoutii, répondit sérieusement le prince.