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Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/185

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qui j’ai l’intention de le surprendre aujourd’hui, — pour son bien ; mais mettons qu’il n’y ait pas que la kapitancha, supposons qu’il ait commis un véritable crime, ou du moins quelque faute tout à fait contraire à l’honneur (ce dont il est à coup sûr absolument incapable), eh bien, même dans ce cas, je le répète, rien qu’en procédant vis-à-vis de lui avec ce que j’appellerai une noble tendresse, on arrivera à tout savoir, car c’est un homme très-sensible ! Croyez qu’avant cinq jours lui-même se trahira : il fondra en larmes et fera les aveux les plus complets, — surtout si l’on agit avec un mélange d’habileté et de noblesse, si la surveillance de sa famille et la vôtre s’exercent, pour ainsi dire, sur chacun de ses pas… Oh, très-bon prince, ajouta du ton le plus chaleureux Lébédeff, — je n’affirme pas qu’il ait positivement….. Je suis prêt, comme on dit, à verser sur l’heure tout mon sang pour lui ; mais vous conviendrez que le désordre, l’ivrognerie, la kapitancha, — tout cela réuni peut mener loin.

— Pour un tel but, sans doute, je suis tout disposé à joindre mes efforts aux vôtres, dit le prince en se levant, — mais je vous avoue, Lébédeff, que je suis dans une perplexité terrible ; dites-moi, vous croyez toujours….. en un mot, vous dites vous-même que vous soupçonnez monsieur Ferdychtchenko.

L’employé joignit de nouveau les mains.

— Mais qui donc puis-je soupçonner encore ? Qui donc, prince très-sincère ? répondit-il avec son onctueux sourire.

Le prince fronça le sourcil et quitta sa place.

— Voyez-vous, Loukian Timoféitch, ici une erreur est une chose terrible. Ce Ferdychtchenko… je ne voudrais pas dire du mal de lui….. mais ce Ferdychtchenko… qui sait ? peut-être que c’est lui !… Je veux dire qu’il est peut-être en effet plus capable de cela que… qu’un autre.

Lébédeff devint tout yeux et tout oreilles.

Le prince dont la mine se refrognait de plus en plus commença à se promener de long en large, évitant autant que possible de regarder son interlocuteur.