Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/218

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— Cessez, Hippolyte, dit Varia, — tout cela est honteux ; je vous en prie, cessez !

Le malade se leva.

— C’est seulement par égard pour une dame, dit-il en riant.

— Soit, Barbara Ardalionovna, pour vous, je consens à être bref, mais je ne puis vous faire que cette concession, car, entre votre frère et moi, une certaine explication est devenue absolument nécessaire, et, pour rien au monde, je ne m’en irai sans avoir montré les choses sous leur vrai jour.

— C’est-à-dire que vous êtes tout simplement un cancanier, cria Gania, — voilà pourquoi il faut, à toute force, que vous fassiez des cancans avant de vous en aller.

— Vous voyez, observa froidement Hippolyte, — vous ne pouvez déjà plus vous contenir. Vraiment, si vous ne dites pas ce que vous avez sur le cœur, vous vous repentirez de votre silence. Encore une fois, je vous cède la parole. J’attends.

Gabriel Ardalionovitch se tut et son visage prit une expression méprisante.

— Vous ne voulez pas, vous êtes décidé à soutenir jusqu’au bout votre rôle, libre à vous. Quant à moi, je serai aussi bref que possible. Aujourd’hui vous m’avez deux ou trois fois jeté à la face l’hospitalité que vous m’accordez, ce n’est pas juste. En m’invitant à venir habiter chez vous, vous-même comptiez me prendre dans vos filets ; vous présumiez que je voulais me venger du prince. De plus, vous avez entendu dire qu’Aglaé Ivanovna m’avait témoigné de l’intérêt et qu’elle avait lu ma confession. Pensant que j’allais faire cause commune avec vous, vous espériez trouver peut-être en moi un appui. Je n’entrerai pas dans des explications plus détaillées ! D’autre part, je n’exige de vous ni un aveu, ni une confirmation de mes paroles ; il suffit que je vous laisse en face de votre conscience et que maintenant nous nous comprenions parfaitement l’un l’autre.

— Dieu sait quel monstre vous faites de la chose la plus ordinaire ! s’exclama Varia.