Page:Dostoïevski - L’Idiot, tome 2.djvu/279

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voir. Ces paroles ne plurent à personne ; Aglaé irritée sortit de la chambre ; ce fut seulement à onze heures passées, lorsque le prince se retira, que la jeune fille, en le reconduisant, profita de l’occasion pour lui dire quelques mots en tête-à-tête.

— Je désirerais que demain vous ne veniez pas chez nous de toute la journée et que le soir vous arriviez lorsque déjà seront réunis ces….. visiteurs. Vous savez qu’il y aura du monde.

Son ton était impatient et dur ; c’était la première fois qu’elle parlait de cette « soirée ». À elle aussi la pensée qu’il y aurait du monde était presque insupportable, chacun s’en apercevait. Peut-être aurait-elle volontiers fait une scène à ses parents à cause de cela, mais par fierté et par pudeur elle se taisait. Le prince comprit immédiatement qu’Aglaé aussi avait peur pour lui, et ne voulait pas l’avouer ; lui-même s’effraya tout à coup.

— Oui, je suis invité, répondit-il.

La jeune fille ne poursuivit l’entretien qu’avec un embarras visible.

— Peut-on causer sérieusement avec vous, une fois dans votre vie ? demanda-t-elle, prise d’une colère subite dont elle n’aurait pas su dire la cause, mais qu’il lui était impossible de maîtriser.

— Oui, et je vous écoute ; je suis enchanté, balbutia le prince.

Après un moment de silence, Aglaé reprit d’un air de profond dégoût :

— Je n’ai pas voulu discuter là-dessus avec eux, dans certains cas il n’y a pas moyen de leur faire entendre raison. J’ai toujours eu horreur des principes qui règlent parfois la conduite de maman. Inutile de parler de papa, il n’y a rien à lui demander. Maman, certes, est une femme noble ; avisez-vous de lui proposer quelque chose de bas, et vous verrez. Eh bien, pourtant elle s’incline devant cette….. drogue ! Je ne parle pas de la princesse Biélokonsky : c’est une vilaine